samedi 25 février 2017

Lecture (poésie française) : Jean-Luc MAXENCE : "JEAN-PIERRE ROSNAY", Collection "Poètes trop effacés"-13, Le Nouvel Athanor, 2016








Ancien acteur de la résistance française durant la Seconde guerre mondiale, beau-frère du célèbre chanteur-poète Georges MOUSTAKI, passeur de poésie fameux par l’entremise des récitals qu’il organisait, à Paris, au cabaret Le Club des poètes et des émissions poétiques radiophoniques et télévisuelles qui le rendirent, à partir de 1960, célèbre, un temps éditeur, Jean-Pierre ROSNAY est cependant l’objet d’une des dernières monographies de la collection Poètes trop effacés des éditions Le Nouvel Athanor (publiée en 2016).
Jean-Luc MAXENCE, dans le Portrait qu’il dresse de lui, s’en explique : Jean-Pierre Rosnay (né le 8 avril 1926 à Lyon, mort le 19 décembre 2009 à Paris) « poète trop effacé » ? Non, certainement pas, de son vivant tout au moins. En revanche, depuis sa disparition, qui vraiment lit son œuvre ? Je le crains : peu de lecteurs à l’heure d’Internet. Et pourtant, Raymond Queneau qui l’introduisit en son temps chez Gallimard, affirmait que Rosnay était bel et bien « un des poètes les plus décisifs » de son époque.
Pour ma part, cette monographie de 110 pages m’a permis de découvrir une poésie, comme le dit J.L Maxence, toute en finesse, marquée par l’humour, l’humilité, le goût du simple et des gens simples, la profondeur, mais par-dessus tout la tendresse, où la référence à l’enfance est ce qui me frappe le plus. On y entrevoit, en filigrane, une figure attachante et noble, qui connait la valeur de la vie, et garde son innocence intacte, incapable de s’en défaire. Tout poème est de l’innocence ; tout poème est un enfançon, qui naît du silence premier. Tout poème est une sorte de rempart contre les barbaries, contre la noirceur sordide.
Les figures de la femme et de Jésus sont souvent invoquées, mais non en tant que symboles d’appartenance à une religion : Rosnay est un esprit trop libre. Sa foi, il l’a placée en l’Homme, en la parole vivante qui bondit. C’est son mélange d’émerveillement et de lucidité qui nous étonne. Car il sait aussi que toute vie ne dépend que d’un équilibre toujours menacé, tout comme il sait que Chaque homme est empereur sur son château de sable.
Raison de plus ; la vie est plus, beaucoup plus qu’un devoir, c’est une urgence : Ruez-vous sur l’avenir avant / que les vers ne vous mangent.
Pour Rosnay, j’y reviens, […] les grands poètes […] sont toujours / les plus petits des enfants.
Ce poète affectionne visiblement la musique des mots, qu’il cultive à merveille dans des textes versifiés d’une respectable longueur, toutefois ponctués, de loin en loin, par d’autres textes en prose poétique.
Son goût du paradoxe lui tire des formules que, personnellement, je trouve géniales : Nous avons tout dit / Tout nous reste à dire ; Je t’aimais bien trop pour t’aimer ; Parce qu’il n’existe pas / Et qu’il n’a pas besoin d’exister pour être / Vive Dieu ; J’ai plus de souvenirs que je n’ai de mémoire.
Il assume son doux chagrin ; il apprivoise sa passion, en caressant Le mot sauvage (comme on dompterait un animal). 
Il préserve sa dignité. Comme sa vibration. Si sensible.Il mesure pleinement ce qu'il est. Sans aucune autre prétention. 
C’est en tout cela qu’il nous touche, et même, dirais-je, nous attendrit.
Je terminerai en vous citant – in extenso – LE MAUVAIS COUCHEUR (in Comme un bateau prend la mer, 1956, page 35 de la monographie) :




Saint-Pierre insistait à tel point que le moribond
qui n’avait pas encore perdu connaissance se rebella.
Non, dit-il, j’ai légué ma fortune à mes descendants,
Les croque-morts attendent ma dépouille, ils l’auront.
Mais l’âme je ne la rendrai pas.
C’est un souvenir.












P. Laranco.

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