mercredi 20 janvier 2016

Gillian GENEVIÈVE (Île Maurice).

Ignorais-tu que le chagrin est au seuil de la lumière chaque matin, chaque midi, chaque soir ?
Ignorais-tu que le chagrin émiette le temps, le silence et l'idée de la pierre quand j'écris les mots, quand je dessine dans la feuille, aux confluents des arbres et de la terre, les contours du vent hargneux et l'esquisse de ton visage en offrande à l'insondable douleur?
Il est des jours où les mots qui éclosent en bordure des lèvres retiennent les larmes et la tristesse et c'est le sourire qui module la rythmique des vers.
Mais l'ordre du paysage ne s'embarrasse pas des pétales brunis par le brouillard muet du mensonge et des leurres.
Il a sa propre pluie, ses propres nuages, ses arbres et son horizon à lui, un langage caillouteux à l'alphabet vêtu des émois de l'âme et du linceul des songes.
Et le paysage dit, dans le regard de celui qui écrit, que l'automne précédera le dernier hiver d'une nuit;
et le paysage dit, alors que le temps ne sera pas tout à fait laiteux, alors qu'au gré de la lune et de ses incendies, à force de deuil, à bout de souvenirs, que le ciel noir sera sans lucarne,
le paysage dit: poète, le temps s'est aligné à rebours du vent pour s'amarrer à l'immensité de ton chagrin.
L'ignorais-tu?
Ton chagrin va et vient dans tout l'univers et, la nuit venue, il quête en vain le dernier cri d'une mort crédible.
Mais on ne fait pas le deuil de ce qui ne meurt pas.
Et ce soir, dans le brouillon du ciel, tu sais déjà qu'il se confond avec le point final à venir.









Gillian GENEVIÈVE.


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