mercredi 28 octobre 2015

Lecture : "SCIENCE & VIE" – Octobre 2015 – N° 1177 – 4, 30 euros.


Branle-bas de combat sur le pont ! Il y a de quoi être « bousculés ».
Le numéro 1177 du magazine mensuel français SCIENCE & VIE (lequel est, par ailleurs, fort riche) nous offre, en effet, de sa page 54 à sa page 68, un passionnant dossier concernant le fonctionnement de notre pensée (rêves y compris).
Et, tenez-vous bien – qui l’eut cru ? - ce dernier serait de nature…quantique !
Tout un chacun  (ou presque) a plus ou moins vaguement entendu parler de la mécanique quantique, un corpus mathématique sophistiqué découvert au début du siècle dernier par quelques physiciens européens et décrivant le comportement (bizarroïde) des particules de l’infiniment petit (électrons, photons, etc….). La SUPERPOSITION  D’ ÉTATS  (en vertu de laquelle Tant qu’une particule (ou un phénomène) n’est pas l’objet d’une mesure, tant qu’elle ne tombe pas sous le coup d’une perception, elle se trouve dans tous ses états possibles à la fois, chacun étant affecté simplement d’une certaine probabilité ; dit autrement : observer une particule transforme son état, ou plutôt le réduit à un seul, alors qu’en fait, il est, dans son essence, multiple), l’INTERFÉRENCE (selon laquelle une particule peut se trouver à deux endroits en même temps et est, en conséquence, douée d’ubiquité), l’INTRICATION (même éloignées et séparées l’une de l’autre par une grande distance, deux particules qui se sont trouvées au préalable placées dans un état d’enchevêtrement mutuel continuent de former un ensemble, agissant comme si elles restaient toujours liées, et inséparables), et l’OSCILLATION d’une seule et même particules entre deux états instables constituent les principales caractéristiques des objets, dans des conditions de fonctionnement quantique.
Or, une branche toute nouvelle, hyper-récente de la PSYCHOLOGIE (oui, j’ai bien dit « psychologie » !) a maintenant la suprême audace d’entreprendre d’utiliser les principes quantiques pour décrire les phénomènes cognitifs  (article de Jerome BUSEMEYER, Université de l’Indiana – U.S, page 57). Si nos neurones, eux, ne sont nullement quantiques, cette école de psychologues expérimentaux n’en a pas moins eu l’occasion de remarquer, à force de tests, que nos états d’esprit se comportaient quantiquement : pour parler bref, nos opinions se superposent, nos jugements interfèrent, nos pensées peuvent s’intriquer  (d’où le fait que le sens des mots dépend du contexte dans lequel ils sont utilisés) et nos perceptions oscillent quantiquement. Et Le tableau de chasse de ces effets quantiques qui biaisent le raisonnement humain commence à être impressionnant. Une des conséquences les plus extraordinaires de toutes ces recherches serait, d’après Jerome Busemeyer, qu’elles seraient parfaitement en mesure de bouleverser l’idée que nous nous faisons de notre propre identité. Nous posséderions, en lieu et place du « moi » classique, parfaitement individualisé, qui se trouve au cœur de toute la philosophie occidentale, un « moi » multiple en état d’interconnexion incessante avec le monde qui nous entoure.
Pour le philosophe Michel BITBOL, avec qui Science & Vie s’entretient ensuite, la physique quantique, loin de se limiter à la description du comportement des particules élémentaires qui constituent le soubassement et le fondement de notre univers, est  une théorie carrément générale de la connaissance, une façon d’aborder le monde sous tous ses aspects et dans toutes ses manifestations. A ce compte-là, pourquoi pas la psychologie ? Pourquoi pas le (mystérieux) phénomène qu’est notre pensée ?...
N’oublions pas que, Dans les sciences humaines […] l’objet d’étude est indissociable de celui qui l’étudie : l’Homme s’étudie lui-même (ce qui est, en soi, quantique). On ne peut pas se décrire soi-même comme si l’on était à l’extérieur de soi. Pas plus qu’on ne peut dissocier les phénomènes microscopiques ou les pensées de leurs contextes expérimentaux.
Nos états mentaux sont perpétuellement tissés par des liens sociaux, des relations (car c’est dans la nature humaine) ; nul état mental ne peut donc apparaître comme indépendant, distinct, doté de contours précis  et nets. La pensée humaine est, avant toute autre chose, une RÉACTION à un environnement et/ou aux attitudes des autres Hommes.
Voilà qui (le magazine le signale dans un encart page 68) n’est pas loin de nous entraîner vers des formes de pensée assez proches des spiritualités orientales (la non-substance de l’ego, l’illusion des perceptions, l’interdépendance des phénomènes chers aux Hindous, aux Bouddhistes et aux Taoïstes).
Quel numéro intéressant !





P. Laranco.

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