mardi 28 octobre 2014

Un texte de Patricia LARANCO : CHOSES.

Les objets du quotidien. Si familiers. Si mystérieux. Avec, chacun, leur emplacement. Ancré. Semblant aller de soi. Comme des mini monuments. Des menhirs version miniature.
Les objets. Opaques, encroûtés. Cercles groupés autour de nous. Étreintes à la douce chaleur.
Gardiens du foyer. Vigilants.
Si  évidents. Si évidés. Qu’on les traverse du regard. Si résistants. Et si compacts. Qu’on se heurte parfois à eux.
Complices. Ils referment leur rang ; leur circularité mutique.
Ils ont pris leurs aises. Tels des chats. Ils rassurent l’œil qui les balaie.
Leur immobilité s’entête. Sans doute croient-ils qu’elle perdurera. Qu’elle est vouée à persister, à s’accrocher de toutes ses griffes, à faire corps avec leur emplacement, avec leur position un peu comme le font, avec la substance même de leur sol, les puissantes et profondes racines d’un grand arbre.

***
Objets pourtant insignifiants.
Déconcertants de prosaïsme.
Chaise. Lit. Radiateur. Fauteuil.
Épais buffet. Pendule murale.
Ecran plat de télévision.
Flacons. Bouteille. Mug. Piles de livres.
Photos sous cadre. Bibelots. CD.
Lampe de bureau au long et gracile cou de métal, flexible et inclinable  à volonté.
Grands miroirs aux étranges aspects de pièces d’eau verticales mais ternes, lugubres veillant au-dessus des manteaux de cheminées discrets qui ne semblent se plaire que dans la duveteuse fraîcheur de la pénombre.
Qu’y a-t-il à l’intérieur d’eux tous ?
Que pourrait-il y avoir d’autre qu’un silence empesé, massif, qui possède sa propre chaleur, sa propre conviction intime ?
Ces objets, je le maintiens, respirent l’entêtement, la volonté d’être là. Leur inertie n’est, à mes yeux, qu’une façon de s’en convaincre, et de nous en convaincre. Leur lourdeur s’apparente à un désir de s’opposer au Temps.
Ils croient en eux, ou, plus exactement, ils croient en leur propre présence. En ce que celle-ci recèle de désir, et surtout de pouvoir d’accompagner. Ils se sont eux-mêmes persuadés de leur caractère, de leur force interne ; de cette sorte de « boule de force » qui, peut-être, se niche à l’intérieur d’eux-mêmes et de la matière inerte en général, et en laquelle toutes les anciennes peuplades avaient tendance à croire (certains l’ont appelée « mana »).
Ils possèdent, quoiqu’il en soit, la vigueur têtue de l’évidence.
Cette force qui sait si bien tirer parti de son propre effacement.
Comment ne pas le comprendre d’une certaine façon quand, comme moi, l’on sait à quel point peut être « pleine », lourde de sens l’humilité des choses ?


Patricia Laranco








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