samedi 7 juin 2014

Lecture : Brian GREENE, LA REALITE CACHEE – les univers parallèles et les lois du cosmos ; Robert Laffont, 2012.


Dès la page 28 de cet énorme livre (qui en compte un total de 509), nous recevons un choc : les principes physiques fondamentaux imposent que si l’univers est infiniment vaste, alors c’est qu’il abrite une infinité de mondes parallèles – certains identiques au nôtre, d’autres très différents, sans la moindre ressemblance avec notre monde
Or, tout porte désormais à croire que notre univers est énorme –même si nous ignorons encore s’il est  fini ou infini.
Sa vastitude l’apparente donc fort à une entité sans fin et il est, au surplus,  en expansion permanente.
Le reste coule de source : Dans un univers infini [ou ce qui peut être considéré comme tel], la majeure partie des régions se trouvent au-delà de ce que nous pouvons observer. Nous ne pouvoir pas voir au-delà de  41 milliards d’années-lumière, et cette distance constitue l’extrême limite de ce les savants ont choisi de dénommer notre  HORIZON COSMIQUE.
Les régions qui s’étendent au-delà des limites de cet horizon cosmique ne peuvent, en aucun cas et d’aucune façon, interagir avec la nôtre, et peuvent par conséquent tout à fait être vues comme des  univers  totalement indépendants les uns des autres (mettons des  sphères  de 41 milliards d’années-lumière).
De plus, ces univers à part entière se révèlent être si nombreux  (compte tenu de la taille même de l’univers global) que chacun d’entre eux admet un nombre quasi infini de répétitions.  […] si l’arrangement de particules que nous connaissons [à savoir notre portion d’univers global, notre monde] est dupliqué dans […] un autre horizon cosmique, alors [celui-ci] ressemblera [au nôtre] en tout point. […] Plusieurs copies parfaites de nous-mêmes  existent donc quelque part au fin fond de l’univers ! On a même été jusqu’à calculer que  Dans chaque série de 10 puissance 10122 horizons, nous pouvons […] trouver, en moyenne, un empiècement  [partie du gigantesque  patchwork] parfaitement identique au nôtre […].
Encore est-ce là une évaluation qui ne tient pas compte des copies approximatives, lesquelles, elles, doivent être encore bien plus nombreuses (Après tout, s’il n’y a qu’une seule façon de reproduire une région de façon exacte, il y en a beaucoup plus de la recopier presque exactement).
Tout cela donne…la THÉORIE DU MULTI-UNIVERS FAÇON PATCHWORK.
Mais elle est loin d’être la seule théorie à suggérer, à soupçonner la réalité cachée des mondes parallèles, et autres dimensions multiples.
Le MULTIVERS est devenu, à vrai dire, une donnée incontournable de la science physique contemporaine.
En tout, ce livre n’aborde pas moins de neuf théories impliquant  la possibilité que notre univers fasse partie d’un multi-univers.
Toutes reposent sur de solides étayages de raisonnement et d’équations.
Mais toutes débouchent sur de tels niveaux d’abstraction et de complexité, à des échelles si colossales, qu’elles sont à la frontière du spéculatif et de plausible. Ce qui signifie que, pour l’instant du moins, elles sont encore, dans leur essence, à l’état de suggestions.
Les comprendre, les assimiler, les « vulgariser » est bien souvent une gageure.
Mais combien fascinantes apparaissent leurs implications !
La THÉORIE DU MULTI-UNIVERS INFLATIONNAIRE est un prolongement de la THÉORIE DU BIG BANG.
Au début des années 1960, Arno PENZIAS et Robert WILSON captèrent, pour la toute première fois, l’écho du fond cosmique de rayonnement micro-ondes, lequel, En quelques dizaines d’années après sa mise en évidence, devint  un outil majeur des recherches en cosmologie, car  lorsque nous observons les photons du fond de rayonnement cosmologique, nous voyons l’univers tel qu’il était voici près de 14 milliards d’années.
Il y aurait plus de 400 millions de ces photons fossiles dans chaque mètre cube de notre espace.
La température de ce rayonnement a été finement mesurée grâce à des appareils astronomiques (COBE, Planck) extrêmement précis. Mais pourquoi est-elle si globalement uniforme dans l’espace ? La réponse à cette question fut trouvée en 1979, par les savants GUTH, LINDE, STEINHARDT et ALBRECHT, sous la forme d’un modèle que l’on baptisa THÉORIE INFLATIONNAIRE.
Il propose un nouveau scénario de la naissance de notre univers : les tout premiers instants furent le théâtre d’un démarrage ralenti qui dura suffisamment longtemps pour permettre aux températures de s’équilibrer (d’où le caractère uniforme du rayonnement de fond cosmologique) ; ensuite, se produisit une salve d’expansion frénétique, cataclysmique, que l’on dénomma L’INFLATION.
Cette inflation, ce n’est pas autre chose que de la gravitation répulsive – encore désignée par le terme d’antigravitation, qui est elle-même l’expression d’un CHAMP D’INFLATON (1).
Les théoriciens parvinrent à démontrer que son intensité des premiers temps, absolument phénoménale, n’avait eu d’égale que sa brièveté. Elle fut, en quelque sorte, un éclair, une véritable fulgurance. Par la suite, elle se stabilisa, ce qui permit à notre univers de « refroidir » et d’acquérir, peu à peu, son apparence actuelle.
La théorie de l’inflation existe, en fait, en plusieurs variantes. Dans nombre d’entre elles, la flambée d’expansion spatiale n’est pas un événement unique. Il se pourrait même que ce phénomène à l’origine de notre univers observable – expansion rapide de l’espace, puis transition vers une expansion plus douce accompagnée de production de particules – puisse se reproduire inlassablement en divers endroits très éloignés dans l’univers. De loin, l’univers serait criblé d’une myriade de régions immensément distantes les unes des autres, chacune étant la conséquence de l’inflation sur une petite portion d’espace.
Par ailleurs, une fois enclenchée, l’inflation ne s’arrête plus jamais. On parle d’inflation éternelle. Elle est régie par ce que les théoriciens nomment un champ d’inflaton (l’inflaton étant le nom donné à la particule correspondante au champ quantique), et ce champ quantique est, comme tout le reste dans notre univers, […] sujet à l’incertitude quantique.
Ce qui veut dire que sa valeur subit des fluctuations quantiques aléatoires, qui l’augmentent un peu par-ci et la diminuent un peu par-là. Conséquence : les théoriciens de l’inflation comparent volontiers l’univers à un…gruyère ! Figurons-nous l’univers comme un énorme bloc de gruyère  à trous […], avec les parties pleines correspondant aux zones où la valeur du champ d’inflaton est élevée, et les trous aux régions où sa valeur est faible. Autrement dit, les trous sont les portions de l’espace qui ont traversé [la phase] d’expansion exponentielle et converti l’énergie du champ d’inflaton en un bain de particules qui ont fini par s’agencer en galaxies, en étoiles et en planètes. Avec cette image, nous voyons que ce gruyère cosmique a de plus en plus de trous : les fluctuations quantiques font tomber la valeur du champ d’inflaton en divers endroits, de façon aléatoire. En même temps, les parties en fromage s’étendent de plus en plus puisqu’elles sont soumises à l’expansion inflationnaire créée par leur champ de haute énergie. […] Dans le langage plus habituel à la cosmologie, chaque trou est appelé un « univers-bulle ». Ainsi nous vivrions donc dans une de ces « bulles » gigantesques, elle-même incluse, parmi une infinité d’autres bulles tout aussi colossales, à l’intérieur d’un ensemble aux dimensions irreprésentables et en état d’expansion phénoménale et éternelle !
Cela semble cohérent, et  relativement facile à comprendre, à se représenter.
Cependant, qu’en est-il des indices concrets susceptibles de venir confirmer cette vision des choses ?
Les mesures du fond de rayonnement cosmologique plaident-elles tant soit peu en faveur de ces idées d’une expansion inflationnaire fabriquant [inévitablement] une nuée d’univers parallèles ? Eh bien, il se trouve que la réponse est oui. Des écarts observables de température se signalent bel et bien dans le fond de rayonnement micro-ondes, tel qu’il apparaît révélé aux appareils de mesure. Elles apparaissent sous forme de tâches sombres et de tâches claires correspondant à des écarts de température de l’ordre du millième de degré, les tâches sombres étant plus froides. A la fin de la phase d’inflation cosmique fulgurante, les régions de notre univers-bulle qui se trouvaient dotées d’une énergie légèrement plus élevée (donc, les régions les plus massives) exerçaient une attraction gravitationnelle légèrement supérieure, laquelle leur permit d’attirer à elles de plus en plus de matière. Il en résulta un effet boule-de-neige qui, jouant sur des milliards d’années, déboucha sur la formation des réseaux de galaxies.
Ainsi, tout se tient ; l’infiniment grand procède bel et bien de l’infiniment petit des microscopiques fluctuations quantiques primordiales !
Si l’on continue de suivre la logique de cette théorie inflationnaires proposée par les avants, les autres univers-bulles nous sont – et nous demeureront – à jamais inaccessibles. Chacun d’entre eux serait régi par […] les mêmes lois physiques que les nôtres. Mais, de même que des jumeaux peuvent, dans des environnements différents, grandir de manière très différente, des lois identiques peuvent, dans des environnements différents, se manifester de manière très différente.
[…] les univers du multi-univers inflationnaire peuvent chacun avoir leurs propres caractéristiques physiques, même [s’ils] sont tous régis par les mêmes mois fondamentales ».
Par ailleurs, il existe, entre l’univers en patchwork  décrit précédemment et les univers parallèles impliqués par la théorie de l’inflation un lien profond et merveilleusement satisfaisant, qui tient à des données d’ordre temporel.
[…] chaque univers-bulle du multi-univers inflationnaire est fini du point de vue d’un observateur extérieur mais infini depuis l’intérieur. Si le multi-univers inflationnaire existe, alors les occupants d’une bulle (nous) sont à la fois des membres du multi-univers inflationnaire et de l’univers en patchwork, et nous n’occupons qu’une seule bulle. De par son caractère d’éternité, le processus d’inflation est, par nature, sans fin et produit univers-bulle après univers-bulle.
Mais il existe une autre théorie- phare de la physique contemporaine qui débouche également sur la possible existence d’univers autres, lesquels formeraient tous ensemble un MULTIVERS. Je veux parler ici de la THÉORIE DES CORDES.
La théorie des cordes s’est mise à attirer l’attention des physiciens dans le courant des années 1980, suite à la constatation (très contrariante et très troublante) que lorsque [ceux-ci, dans leur recherche d’une « théorie unifiée » propre à rendre compte de l’ensemble du fonctionnement de la nature physique ] appliquaient les méthodes de la théorie quantique des champs à […] la gravitation – les mathématiques ne fonctionnaient plus, les calculs mêlant la mécanique quantique à la THÉORIE DE LA RELATIVITÉ GÉNÉRALE  donnant  des résultats aberrants qui aboutissaient à une véritable incompatibilité.
Au début des années 1990, les chercheurs qui utilisaient ce nouveau modèle parvinrent, du fait de leurs calculs, à la conclusion que  notre univers pouvait faire partie d’un multi-univers. En fait, les mathématiques de la théorie des cordes suggèrent que nous faisons partie non pas d’un mais de toute une série de multi-univers différents.
La théorie des supercordes (ou théorie des cordes) postule qu’en regardant de très près une particule [dite] élémentaire, nous verrions vibrer une corde minuscule (d’une taille de l’ordre de ce qu’on appelle la  LONGUEUR DE PLANCK , laquelle est égale à 10 puissance -33 cm, c'est-à-dire 100 millions de milliards de fois plus petite que tout ce que nous avons pu explorer expérimentalement). Au cœur de l’électron, nous trouverions une corde ; au cœur du quark, de même.
[…] les cordes constituantes de particules différentes sont [en tout point] les mêmes ; ainsi la fameuse « unification » tant recherchée par les théoriciens de la physique se trouve-t-elle atteinte.
Ce qui crée la différence est quelque chose de très subtil : c’est le fait que, tout en étant rigoureusement semblables, les mêmes cordes vibrent différemment, et  créent, de la sorte, les différentes propriétés des particules. En fait, cordes vibrantes et particules sont une seule et même chose.
[…] les mathématiques de la théorie des cordes ne se contentent pas d’autoriser que l’univers ait plus de trois dimensions, elles l’imposent.
Pourtant, il y a un « hic » : la théorie des cordes s’avère très difficilement  testable au plan expérimental. Elle ne parvient à expliquer des résultats expérimentaux – au demeurant nombreux – qu’en se convertissant en langage de théorie quantique des champs. Mais ce n’est déjà pas si mal…
Peut-être un jour les accélérateurs de particules de pointe (tels le LHC de Genève) ou encore l’étude du FONDS COSMIQUE DE RAYONNEMENT MICRO-ONDES nous permettront-ils de valider plus solidement cette théorie fort prometteuse car fort utile, actuellement, aux physiciens dans leurs calculs.
En attendant ces moments bénis, le modèle des cordes s’est révélé capable de donner un sens à un phénomène mi-gravitationnel, mi-quantique : la SINGULARITÉ ; ce qui correspond exactement à ce que les physiciens attendent d’une théorie quantique de la gravitation, même si cela ne règle pas, pour autant, encore les épineux problèmes que posent ces singularités extrêmes que sont les TROUS NOIRS et le BIG BANG.
La théorie des cordes est une théorie en cours d’évolution, encore passablement spéculative. Elle est d’une complexité qui défie l’imagination : Toutes les disciplines importantes et établies de la physique théorique – comme la mécanique classique et la relativité générale – sont définies par une équation centrale ou un ensemble d’équations. […] Longtemps, les recherches en théorie des cordes furent confrontées à un défi […]. Trouver les équations centrales de la théorie était si difficile que les physiciens ne pouvaient élaborer que des versions approchées. […] les recherches étaient basées sur des approximations d’approximations.
En fait, la théorie des cordes, actuellement, se décline en 5 versions, que les théoriciens ont réussi à relier en une théorie plus globale appelée M.
La théorie des cordes a réussi à mettre en évidence des objets dotés de 2, de 3, de 4, etc. (jusqu’au chiffre de 9) dimensions spatiales, quelle a baptisés des BRANES (diminutif de « membranes »). Ces branes peuvent vibrer et onduler au même titre que les cordes.
Tout ceci implique que le nombre de dimensions spatiales nécessaires  à la théorie est égal à…11 (en ajoutant la dimension Temps).
Et, de tout ceci encore, il découle qu’à notre échelle, c'est-à-dire dans le cadre de notre cosmos tridimensionnel, nous vivons sur une TROIS-BRANE qui constitue une véritable entité sur et dans laquelle nous nous déplaçons. Voici posé le scénario des MONDES DE BRANES.
Le monde de branes est un multi-univers composé de branes qui sont autant de tranches de pain. L’espace multi-dimensionnel de la théorie des cordes peut accueillir de nombreuses branes-mondes parallèles, et  Les mêmes lois fondamentales de la physique s’appliquent pour toute la collection de branes, même si, là encore, les détails environnementaux comme la valeur de tel ou tel champ imprégnant telle ou telle brane, ou même le nombre de leurs dimensions spatiales, peuvent affecter profondément leurs caractéristiques physiques
La nature des cordes qui nous constituent et qui composent la matière ordinaire, par ailleurs, veut que nous soyons raccrochés à notre brane de façon permanente, de sorte que nous ne pouvons pas quitter notre brane. Il en va exactement de même pour les particules qui transmettent les trois forces non gravitationnelles, parmi lesquelles sont les photons. Ce dernier fait a pour effet d’empêcher toute possibilité de voir Une autre brane-monde, même si elle se trouve à quelques millimètres de la nôtre. Par contre, la particule à l’origine de la gravité, le GRAVITON, ne peut se trouver piégée par les branes, car elle est constituée de cordes d’une toute autre nature (les boucles). Elle peut donc quitter une brane et y revenir. Entre les branes joue donc la force d’attraction gravitationnelle : les branes s’attirent, exactement comme le font nos corps célestes !
Il est aussi fort possible que nous vivions sur une brane en mouvement. Cette brane en mouvement serait tout à fait susceptible de venir se heurter à une de ses voisines. Cela occasionnerait, bien sûr, une émission colossale d’énergie, qui, tout aussi sûrement, annihilerait toutes les structures organisées au sein de chacune des branes soumises au choc. Il en résulterait un nouveau Big bang, une sorte de renaissance cosmique.
Selon un spécialiste, STEINHARDT, les branes auraient même la faculté de rebondir lors de leurs collisions. A l’en croire, elles passeraient leur temps à s’éloigner, puis à se rapprocher les unes des autres, avec, à la clé, des collisions cycliques. Notre multivers serait le siège d’un TANGO DE COLLISIONS COSMIQUES  dont chaque cycle complet (calculé par Steinhardt) serait de l’ordre de 1 000 milliards d’années ! Dans ce scénario, l’univers tel que nous le connaissons ne serait que le dernier en date d’une série qui se succède dans le temps. On le voit, cela donne le vertige. Cela rejoint les cosmogonies traditionnelles cycliques des Hindous et des Bouddhistes.
Pour autant, cette thèse est encore loin d’avoir des confirmations expérimentales concrètes : Si le LHC nous apporte des indices en faveur des branes mondes et si les ONDES GRAVITATIONNELLES de l’univers primordial restent insaisissables (2), le multi-univers cyclique gagnerait beaucoup de partisans.
Mais la théorie des cordes ne s’est pas contentée de spéculer sur les branes. […] les nombreuses formes différentes que prennent les dimensions supplémentaires qu’elle nous propose se sont vues, grâce à une manipulation théorique qui s’applique à la combiner avec la cosmologie inflationnaire, transformées en plusieurs univers bulles différents. Ceci donne lieu à ce qu’on appelle LE PAYSAGE DES CORDES, dans lequel chaque univers bulle correspond à une configuration particulière des dimensions supplémentaires – et se trouve représenté, sur le schéma, très « montagneux », du paysage, par un creux (encore appelé vallée) à la forme très particulière, car unique en son genre.
[…] il existe des vallées dans le paysage des cordes dont la faible altitude correspond très bien à la CONSTANTE COSMOLOGIQUE très faible mais non nulle qu’ont mise en évidence [dans notre univers] les observations de supernovae.
Le multivers qui correspond au paysage des cordes contient toutes les formes possibles des dimensions supplémentaires.
Mais la théorie de l’inflation et la théorie des cordes ne sont pas les seules à impliquer l’éventuelle existence d’une multitude d’univers. Figurez-vous que la fameuse MÉCANIQUE QUANTIQUE n’est elle non plus pas en reste.
Les mesures de la mécanique quantique sont des MESURES PROBABILISTES, mais néanmoins très sûres, parfaitement corrélées aux données expérimentales. Elles s’appliquent à toutes les particules élémentaires de la matière que nous connaissons (photons, neutrinos,muons, quarks), qu’elle décrit sous la forme double de « particule » et d’ «onde de probabilité ». Dans cette perspective, les gros objets sont simplement des objets dont  les  ondes de probabilité […] sont extrêmement étroites, ce qui veut dire qu’elles correspondent à une énorme probabilité, quasiment égale à 100%, que l’objet soit situé là où se trouve le pic de l’onde, et à une probabilité minuscule, à peine supérieure à 0 % d’être situé partout ailleurs. A contrario, plus un objet est petit, plus son onde de probabilité sera étalée ce qui signifie que son onde comportera  des probabilités importantes en différents points. Le monde microscopique n’est qu’un brouillard probabiliste voué au flou et inaccessible à l’acte d’observation !
En mécanique quantique, chaque observation, chaque mesure n’est qu’un « choix » parmi tout un registre de possibilités existantes.
D’après le physicien américain EVERETT, la mesure d’une particule dont l’onde de probabilité possède deux pics conduit à deux issues différentes, lesquelles correspondent à deux positions, lesquelles, à leur tour, correspondent à deux mondes parallèles. Dans cette proposition d’Everett, tout ce qui est possible en vertu de la mécanique quantique (autrement dit toutes les issues auxquelles la mécanique quantique attribue une probabilité non nulle) se réalise dans son propre monde. Chaque pic d’onde correspond à un univers à part entière. Ce qui implique directement l’existence d’un multi-univers quantique à l’intérieur duquel toutes les possibilités, et non une seule, […] se réalisent sans qu’il n’y ait ni ne puisse y avoir la moindre interférence entre les différents possibles. Idée réellement fascinante ! Reste que cette idée émise par Everett reste une interprétation des données de la mécanique quantique : Le raisonnement quantique traditionnel stipule que l’expérimentateur a 50% de chances de trouver l’électron   dans la position A et 50% de chances de le  trouver dans la position B. Alors que, dans l’approche [quantique] des mondes multiples, ce sont les deux possibilités qui se réalisent simultanément, ce qui annihile le rôle joué par les probabilités, pivot essentiel à la mécanique quantique.
Alors ? Faut-il en revenir à l’INTERPRÉTATION  DE COPENHAGUE  pure et dure, qu’Everett, par son interprétation, aurait tenté de dépasser ?
Non, car au moment de l’observation, [l’interprétation de Copenhague] se renferme sur un pur silence mathématique. C’est un manque important, que l’interprétation des mondes multiples tente de combler.
Voilà donc, pour ce qu’il est convenu d’appeler le « multi-univers quantique ».
Passons à présent à une autre possibilité de multivers : le MULTIVERS HOLOGRAPHIQUE.
Le voyage qui nous emmène vers cette étrange possibilité combine des travaux fondamentaux émanant de divers horizons : des éléments de relativité générale, des recherches sur les TROUS NOIRS, de la THERMODYNAMIQUE, de la mécanique quantique et, pour les plus récents, la théorie des cordes, le  fil rouge qui relie ces divers domaines de recherche étant  la nature de l’INFORMATION dans un univers quantique.
Un physicien réputé nommé WHEELER  suggérait que les objets – matière et rayonnement – soient envisagés comme […] de simples transmetteurs d’une entité beaucoup plus abstraite et fondamentale : l’information.
Il pensait que l’information - l’endroit où se trouve une particule, si elle tourne sur elle-même dans un sens ou dans l’autre, si sa charge est positive ou négative, et ainsi de suite -  représentait un noyau dur irréductible au sein de la réalité.
Nous ne serions que de la manifestation matérielle, que la réalisation physique de cette information. Exactement comme, dans la Bagavad-Gita, le « manifesté » est une expression du « non-manifesté ».
Cependant, Qu’est-ce exactement que l’information, et qu’est-ce qu’elle fait ? . Aux yeux des mathématiciens, physiciens et informaticiens, c’est net : l’information répond à des questions : la mesure la plus utile du contenu en information est le nombre de questions distinctes, à réponses de type OUI/NON, auxquelles elle peut répondre ; Une donnée pouvant répondre à une simple question OUI/NON est ce que l’on appelle un « BIT » […] c'est-à-dire une représentation numérique de « oui » ou « non » [par 0 ou par 1]. L’ENTROPIE, quant à elle, n’est autre qu’une mesure du contenu en information d’un système. Or le célèbre Stephen HAWKING  a montré mathématiquement que l’ENTROPIE D’UN TROU NOIR égale le nombre de cellules de taille de la LONGUEUR DE PLANCK qui seraient nécessaires, pour recouvrir son horizon d’ événement  et que Tout se passe comme si chacune de ces cellules recelait un bit, une unité élémentaire d’information. Avec son confrère BEKENSTEIN, il démontra ensuite que  pour un trou noir, la capacité de stockage de l’information est déterminée non pas par son volume intérieur mais par L’AIRE DE SA SURFACE. Cela signifie que chaque bit d’information caché, stocké dans un trou noir correspond à un CARRE DE LA TAILLE DE PLANCK, et non, comme on aurait pu raisonnablement s’y attendre, à un cube de cette même taille.
Par la suite, les physiciens Gerhardt t’HOOFT et Léonard SUSSKIND ont étoffé ce raisonnement en prouvant qu’on pouvait non seulement l’appliquer aux trous noirs, mais également  à n’importe quelle région de l’espace.
L’information nécessaire pour décrire les phénomènes physiques au sein de n’importe quelle région de l’espace peut être encodée complètement par les données [figurant] sur la surface qui entoure la région considérée.
Autrement dit, toujours d’après t’Hooft et Susskind, Notre réalité habituelle à trois dimensions […] serait comparable à une PROJECTION HOLOGRAPHIQUE  de  processus […] bidimensionnels situés, pour leur part, à grande distance. Nos expériences ici et cette réalité distante là-bas formeraient les plus intimement liés des mondes parallèles !
L’édifice théorique qui a permis de tirer ces conclusions est logique, cohérent et construit avec soin. Mais il n’empêche que, loin de se suffire à lui-même, il appelle des questions très importantes : Lorsque nous parlons d’information résidant sur la sphère entourant une région donnée de l’espace, qu’est-ce que cela signifie réellement ? Comment l’information se manifeste-t-elle ? Quelle forme prend-elle ? Dans quelle mesure pouvons-nous élaborer un dictionnaire explicite pour traduire les phénomènes ayant lieu à la frontière en ceux qui ont lieu à l’intérieur ?.
Seul, actuellement, le physicien argentin MALDACENA, en utilisant la théorie des cordes, est parvenu à démontrer de façon convaincante que tout ce qui, dans [un] univers particulier doté, mathématiquement parlant [d’]une frontière, [d’]une surface impénétrable qui entoure complètement son intérieur – existe  est le reflet de lois et de processus qui se déroulent à sa frontière, en sorte que […] nous avons désormais une preuve que nous pouvons tisser un lien entre ces idées théoriques et la physique de notre univers !
Ainsi, si l’on en croit l’étonnante logique de tous ces calculs, nous ne serions que la réalisation holographique des lois physiques qui régissent notre propre univers, et l’analogie avec l’hologramme serait frappante. N’oublions pas que Les hologrammes tels que nous les connaissons  [et les produisons] n’ont aucune ressemblance avec les images tridimensionnelles qu’ils produisent. Sur sa surface, le plastique est strié de lignes, d’arcs et de volutes. Et pourtant, une opération complexe, obtenue en éclairant le plastique au laser, transforme ces marques en une image tridimensionnelle identifiable. […] l’hologramme en plastique et l’image tridimensionnelle recèlent les mêmes données, mais en deux versions différentes, dont chacune semble complètement cryptée par rapport à l’autre. Nous avons, dans le cas cosmique qui nous occupe, affaire à deux échos, à deux formes d’ « incarnation » qui sont reliées par un phénomène inconnu faisant office de laser et que les physiciens connaissent désormais sous l’espèce de ce qu’ils appellent un dictionnaire mathématique permettant de faire la traduction du texte formulé dans le langage (et donc, selon le point de vue) de la théorie des cordes en langage appartenant à la théorie quantique des champs. Sur la « frontière » de l’univers, un de nos trous noirs pourrait ainsi se traduire par un bain de particules à haute température.
Les mathématiques elles-mêmes débouchent sur la diversité des points de vue, des traductions, des manifestations ! Elles semblent y être contraintes par l’extrême complexité de l’univers. Ce qui est étrange, c’est que la physique propose, de la sorte, plusieurs langages (ou plusieurs traductions simultanées d’un même phénomène ?). N’est-ce pas la preuve qu’il existe – bel et bien – plusieurs réalités ?
Le principe holographique est une idée unificatrice ; Le fait que la théorie des cordes inclue le principe holographique  et fournisse des exemples concrets de mondes parallèles holographiques témoigne [incontestablement] de la manière dont les travaux à la pointe des recherches se concentrent vers une synthèse profonde.
Est-on, ainsi, en passe de prouver que le divers, le complexe n’est, en fait, qu’une expression de l’Un ? Que nos « langages » mathématiques différents ne sont que l’expression de la nature forcément parcellaire, limitée de notre pouvoir de connaissance ?
Lorsque nous laissons le volant aux rouages mathématiques des principales lois physiques existantes, cela nous mène chaque fois vers une version de mondes parallèles.
Les savants, dans tout cela, paraissent avoir une idée de plus en plus précise de ce que peut être notre univers et, partant, plus généralement, de ce que peut être UN UNIVERS. C’est ainsi qu’ils ont été amenés à formuler l’hypothèse hardie que la « bulle » dans laquelle nous nous trouvons, tous autant que nous sommes, englobés serait la résultante d’une sorte de trou noir inversé, appelé TROU BLANC ; Un trou blanc […] est un objet hypothétique qui recrache de la matière plutôt que de l’avaler.
La complexité de tout ce que la science, peu à peu, nous dévoile, aurait presque de quoi nous rendre fous. Très sérieusement, l’ouvrage de Brian Greene n’hésite d’ailleurs pas à aborder des problèmes apparemment sans rapport avec les sciences physiques : qui nous dit que nous ne sommes pas piégés dans une sorte de SIMULATION INFORMATIQUE, comme c’est le cas, par exemple, dans le film MATRIX ?
Cette question – mi scientifique, mi philosophique – résulte en fait de la nature même de l’expérience, telle que nous la vivons, en tant qu’êtres humains : Si quelqu’un pouvait stimuler notre cerveau pour produire exactement les mêmes impulsions électriques que celles que suscitent chez nous le fait de manger une pizza, de lire cette phrase ou de sauter en parachute, eh bien l’expérience serait pour nous indiscernable de la réalité. […] Comment nous convaincre de la RÉALITÉ de la chair, du sang et du monde physique, lorsque notre expérience n’est qu’une affluence d’impulsions électriques circulant dans un super-ordinateur hyper-perfectionné ?.
D’après Wheeler, nous l’avons vu, l’univers n’est qu’information, et l’information est constituée de bits. Nos corps même sont la traduction, en langage de matière animée, des instructions encodées dans une double hélice moléculaire…et, pour finir, nos cerveaux sont des ordinateurs hyper-performants, qui ont même su décoder le langage (les langages ?) mathématiques de l’univers.
Cela ne plaide-t-il pas fortement pour une nature « informatique » de la réalité où nous baignons et qui nous constitue ?
Et puis…l’Homme est désormais capable de créer des simulations de plus en plus sophistiquées : Si l’on en croit l’histoire de l’innovation technologique, itération per itération, les  [telles que SIMS et SECOND LIFE] devraient gagner en vraisemblance et permettre aux caractéristiques physiques et au vécu de ces mondes virtuels d’atteindre des niveaux convaincants de nuance et de réalisme. Quiconque ferait fonctionner ce type de simulation déciderait si les créatures virtuelles savent qu’elles existent dans un ordinateur ou non […].
Dans une pareille perspective, qui nous dit, par exemple, que nous ne faisons pas partie d’un monde virtuel créé par nos propres (lointains) descendants ?
Pourquoi, non plus, ne pas imaginer, ne pas envisager qu’il n’y ait pas qu’une seule simulation mais un océan bouillonnant de simulations, qui serait alors un multi-univers virtuel ?
Hypothèse séduisante pour tous les tenants du « dessin intelligent », non ?
Le philosophe Robert NOZICK propose [lui] d’imaginer que nous appartenions à un multi-univers qui comprendrait tous les univers possibles, le MULTI-UNIVERS SUPRÊME. Un théoricien habitué à parler mathématiques, renchérit le scientifique Brian Greene, envisage le multi-univers suprême de Nozick comme un multi-univers où toutes les équations possibles mathématiquement sont réalisées physiquement. En effet, l’étrange manière dont beaucoup de concepts mathématiques trouvent une application dans les phénomènes physiques montre avec force que les mathématiques sont réelles. Qu’elles pourraient même constituer l’essence, la quintessence de la réalité qui est la nôtre. Et cependant, chose non moins étrange, leur langage provient de notre [propre] adaptation biologique d’êtres humains, de créatures façonnées par l’évolution pour comprendre l’organisation de notre environnement.
Voilà, peut-être, un phénomène qui n’en finira jamais de nous surprendre…
Max TEGMARK, comme Brian Greene, penche fortement pour cette hypothèse de l’univers mathématique. Son argumentation ? Attendu que La description la plus fondamentale de l’univers ne devrait pas nécessiter de concepts dont la signification repose sur l’expérience humaine, ou l’interprétation. Les mathématiques – à travers une série d’opérations (comme les additions) qui agissent sur des ensembles abstraits d’objets ‘(comme les nombres entiers) pour produire des relations entre eux (comme 1+2 = 3)- sont précisément le langage pour énoncer des faits non contaminés par l’humain.
Par voie de conséquence, l’idée s’impose avec de plus en plus d’insistance aux scientifiques que l’abstrait et le concret ont partie étroitement liée et que, donc, les opposer apparait comme de plus en plus vain, et dénué de sens.
Il faut croire les mathématiques. Qui nous ramènent toujours, de façon presque lancinante, comme nous venons de le voir, aux univers multiples. Qui, de ce fait, nous orientent, nous « détournent » presque inexorablement vers les chemins tortueux mais non moins fascinants de la philosophie.
Brian Greene est un esprit particulièrement brillant. Si brillant qu’on a parfois un certain mal à suivre le cours subtil de sa pensée.
Il faut lire ce livre avec une attention soutenue, avec une sorte de persévérance farouche.
Mais on ne le regrettera pas : le réel est d’une richesse immense, confondante.
L’idée de multivers et ses multiples variantes ont ceci de paradoxal que tout à la fois elles dressent une sorte de butoir décisif sur le chemin de la connaissance et qu’elles n’en continuent pas moins de suggérer, et donc, de stimuler la pensée humaine.



P. Laranco.





  






(1) au même titre que l’électron, ou le photon, l’inflaton est une particule, pour le moment hypothétique, mais bien dans la logique de la théorie.

(2) Il se trouve que tout récemment, en mars 2014, une équipe internationale de scientifiques a détecté, grâce au radiotélescope BICEP situé dans l'Antarctique, "la trace de tremblements de l'Espace-Temps"   dans un rayonnement émis 380.000 ans après le Big bang.
A ce propos, lire l'article : "PREMIÈRE DÉTECTION DES ONDES GRAVITATIONNELLES DU BIG BANG", sur http://sciences.blogs.liberation.fr/home/2014/03/premi%C3%A8re-d%C3%A9tection-des-ondes-gravitationnelles-du-big-bang.html















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