dimanche 27 avril 2014

PHILO EN VRAC.

Il est tellement plus facile d’en vouloir à qui nous critique et de le haïr que de  regarder soi-même en face, crûment, courageusement, ses propres travers et torts !





Reconnaître ses torts et faire amende honorable, ça coûte à énormément de gens. L’ego a une telle opinion de lui-même ! Et puis, il y a la peur de « baisser pavillon », ce qui peut être interprété comme une sorte de « talon d’Achille ». La mauvaise foi est bien souvent une forme de protection, liée tout bêtement à l’autoconservation.
Tout ceci nous conduit au comble de l’absurdité : nier l’évidence, ne pas assumer ses propres erreurs et manques. Ne pas les admettre. Faire comme si, faire semblant de croire qu’on est parfait(e) !





Il faut apprendre à se regarder soi-même avec le regard que l’on porterait sur une autre personne.
Mais rien n’est plus difficile…





Toutes les pages sont faites pour être tournées.





Ecrire avec facilité, créer une production littéraire abondante sont – j’ai eu maintes fois l’occasion de m’en aviser –des « qualités » tenues pour passablement suspectes dans certaines franges du milieu de la poésie française, sans doute marquées par la froide raideur corsetée et corsetante de l’idéal classique du « Grand Siècle ». Depuis qu’un certain Nicolas BOILEAU, repris par la suite avec zèle par des centaines, des milliers de braves professeurs de l’Education Nationale, a clamé haut et fort «  vingt fois sur le métier repassez votre ouvrage… », prolixité, spontanéité n’ont plus guère bonne presse au beau pays de France.
Dans l’ensemble, le tempérament littéraire hexagonal pourrait assez volontiers se voir attribuer les étiquettes de « constipé » et de besogneux. Son idéal s’est, dirait-on, calqué sur celui d’une certaine civilisation bien occidentale, que dénonçait Aimé Césaire : maîtrise de soi, contrôle des mots, mesure, travail, « économie ». Il se méfie du don, tenu par ailleurs volontiers pour « inégalitaire ».
Cette répugnance fait en sorte qu’en France, les critiques ont souvent tendance à confondre « quantité » et absence de qualité. Alors qu’en fait, cela ne va pas du tout forcément de soi…





On dit la jeunesse imaginative et avide de changement, parfois même « révolutionnaire » par essence, mais ne se trompe-ton pas ?
Car, pour ma part, mon expérience de mère de famille et d’animatrice auprès d’enfants et de préadolescents m’a appris, à rebours, qu’il n’y a rien de plus CONFORMISTE et, en définitive, de plus CONSERVATEUR qu’un jeune.
L’enfant, puis le jeune ressentent un impérieux besoin de famille et d’encadrement, de points de repères très stables, en un mot de normalité ; ils sont, quoi qu’on en dise, quoi qu’on en pense, avant toute autre chose, des êtres sur le chemin de l’intégration sociale, des êtres qui apprennent, qui se forment.
L’enfant, sans cesse, observe, épie et imite ses modèles parentaux. Sa très grande plasticité cérébrale fait de lui, pour ainsi dire, et ce d’emblée, une sorte d’ « éponge », de « buvard » ultra-poreux qui absorbe avidement, qui « boit » sans même en avoir conscience la culture qui l’entoure.
L’adolescent, quant à lui, même s’il traverse une crise d’affirmation de soi souvent fortement oppositionnelle vis-à-vis de ses adultes de référence, n’en aspire pas moins de toutes ses forces à s’intégrer, en dernier ressort, au corps social dans lequel il baigne.
Tous les jeunes finissent par devenir, in fine, les « clones » de leurs parents. Etudier, s’insérer dans la vie professionnelle de façon satisfaisante, s’agréger en couple puis fonder une famille nucléaire classique, bien « petite-bourgeoise »…Tous y viennent – ou presque.
On a peut-être trop « monté en épingle » l’inévitable bouillonnement hormonal, assorti d’une véritable « révolution » cérébrale qui agite pendant un certain temps un certain nombre de jeunes, au seuil de leur vie.
L’Homme est, dans sa nature fondamentale, un être très SOCIAL et très MIMETIQUE.
Sans quoi le mode de vie de notre espèce ne pourrait pas se perpétuer…
L’être humain est, certes, indubitablement, curieux et inventif.
Ces caractéristiques, si particulières, sont souvent, chez l’individu jeune, accentuées, voire exacerbées.
Il n’en reste pas moins que le changement suscite aussi, même chez le jeune, une importante ambivalence ; cela se comprend : on ne fait jamais table-rase impunément, ni, d’ailleurs, complètement.
Plus que des amoureux systématiques du changement, plus que des « révolutionnaires naturels », les jeunes me paraissent des êtres tiraillés entre la tentation de la rupture et un profond – et souvent inconscient – attachement à leurs habitudes et à leurs schémas cognitifs les plus fondamentaux, les plus ancrés.
Le plus souvent, de façon directe, quasi automatique, ils passent de l’influence parentale et familiale stricte à l’ascendant de leurs groupes de pairs, à l’intérieur desquels, fréquemment, règne un grégarisme qui défie l’imagination. Il n’y a, dans tout ceci, qu’on en convienne, rien de bien original, ni de particulièrement « créatif ».
Fondamentalement, je crois qu’il ne faut pas commettre l’erreur – ou le contresens – de confondre, chez les jeunes, le souci, souvent très proclamé, très revendiqué, surtout dans nos sociétés postmodernes actuelles, de se démarquer à tout prix de la génération précédente et une véritable aspiration au chamboulement sociétal, tel que le conçoivent et le prônent les révolutionnaires, les vrais novateurs.
Une fois que les jeunes se sont suffisamment affirmés par rapport à la génération de leurs parents et éducateurs, une fois qu’ils se sont enfin « trouvés » en tant qu’individus, au plan identitaire, ils entrent, tant au plan des aspirations qu’à celui des conduites, dans le même schéma global que celui qu’ont suivi leurs prédécesseurs : travail – famille – propriété.
Les échecs subis, au cours du siècle dernier, par les diverses utopies révolutionnaires occidentales (communisme, « révolution sexuelle », contre-culture, théorie du genre, antipsychiatrie, etc.) en sont le témoignage criant : il y a, apparemment, des « noyaux » sociétaux basiques auxquels on ne touche pas sans menacer l’équilibre même des individus. Jusqu’à l’hyper- matérialisme-utilitarisme-progressisme occidental lui-même qui, à présent, se trouve, à sa grande surprise, en butte au « retour » du spirituel, voire du « religieux » !
S’imaginer que l’être humain peut aussi facilement se passer de balises, de cadres quelquefois rigides et d’habitudes quelquefois pesantes est une profonde erreur « gaucharde ». La biologie, l’Histoire et les fonctionnements bien « rôdés » (ceux qui ont fait leurs preuves) demeurent encore, très largement, à prendre en compte.
Les sociétés humaines sont l’expression des individus qui les composent.
Mais lesdits individus sont, eux aussi, dans la même mesure, des expressions, des émanations des organisations sociales dans lesquelles ils baignent et qui les modèlent. Ne l’oublions pas.
Alors ? Saluer et exalter le « génie » qui serait propre à la jeunesse : une illusion de plus ?





Qu’il est, souvent, difficile de concilier plusieurs aspirations – surtout lorsqu’elles paraissent, à bien des égards, contradictoires – dans une seule misérable vie !
Que l’existence, à cette lumière, nous semble exiguë, et mesquine !





Il y a un égoïsme à deux.
Cela porte un autre nom : l’amour.





Nombre de gens, infatués, présomptueux et égocentriques, s’imaginent facilement que le monde leur appartient. Ils se trompent, et la vie finira par le leur apprendre à leurs dépends, je le pense.
Le monde n’appartient – et n’appartiendra jamais - à personne, sinon à lui-même.





Souveraine, fascinante et irritante autosuffisance du monde !





Attention à l’amour ! C’est une focalisation sur « un seul être ». Comme toute focalisation, il vient s’interposer entre nous et la grandiose, la chatoyante, la divinement complexe richesse de l’immense forêt d’êtres, d’objets, de phénomènes qui constitue le reste du monde.
Il n’est qu’un arbre qui cache la sylve, qui rétrécit l’angle de vue.
En hypnotisant, il détourne, et ce n’est sûrement pas un hasard si le mot « séduction », au plan étymologique, est issu du vocable latin « seducere » qui ne signifie rien moins que, justement, « détourner ».





Face à l’altérité, l’Homo Sapiens hésite de façon presque systématique entre la réaction de rejet et une autre tendance beaucoup plus secrète – quoique non moins puissante : la tentation mimétique. Devenir l’autre, le singer, par désir de se fondre en lui – ou bien ne pas vouloir en entendre parler, le repousser en bloc. Ces deux extrêmes ne seraient-ils pas, dans le fond, l’avers et le revers d’une même médaille ?
Le rejet de l’autre ne serait-il pas, pour une respectable part, une forme de résistance, de lutte plus ou moins larvée contre la tentation, si énigmatique mais toujours présente, toujours menaçante, de l’imitation qui nous habite, par nature… contre le risque, toujours plus ou moins somnolent au tréfonds de nous, de voir se réveiller l’envie de s’identifier à lui ?
Animal très fortement social, l’Homme a en lui, ne l’oublions pas, de puissantes réserves d’empathie.
Son cerveau recèle une importante quantité de neurones-miroirs. C’est ce qui a fait dire à Arthur Rimbaud le fameux « je est un autre ».
Nous nous créons (ou, si vous préférez, peut-être, nous « sommes créés ») par l’identification et par l’imitation.
Toute présence de l’un de nos semblables dans les parages proches suscite en nous, de façon toute spontanée, toute naturelle, une sorte de « mouvement » qui nous porte à essayer de nous mettre mentalement à sa place.
Sans ce fonctionnement très particulier, ce « ciment », que l’on appelle aussi « l’empathie » -  il n’y aurait jamais eu de communautés humaines viables.
Au commencement était LE LIEN.





Identification, imitation, langage.
L’être humain se construit dans le lien, et par le lien.
Un lien dont la nature est tout à la fois matérielle, cognitive et affective.
Vues sous cet angle-là, l’indépendance, l’égo sont des vues de l’esprit.
Dès les tout premiers mois de notre existence, nous sommes pleins des autres. C’est l’attachement et l’admiration que nous leur vouons qui nous porte, nous forme. Comble notre vide. Notre naissance (longue et très progressive) en tant qu’individu, nous la devons autant à notre bagage de départ – notre « équipement » endogène de neurones-miroirs, qui nous poussent à imiter et mettent en action notre empathie, associé à nos différents sens, qui nous servent à « capter » le monde, à percevoir les comportements et réactions des êtres qui nous sont les plus proches – qu’à tout ce que nous recevons de ceux qui veillent sur nos premières années.
En l’absence de cette étroite et essentielle immersion dans ce « bain » d’humanité (qui est aussi « bain » d’altérité) nous deviendrons des « enfants sauvages ». Privés d’hominisation.
Nous sommes des êtres infiniment dépendants et c’est, paradoxalement, cela qui fait notre force !





Je trouve toujours passablement triste que tant de gens ne soient en mesure d’apprécier leurs semblables, de s’attacher à eux durablement, que dans la mesure où ceux-ci regorgent de manques, de faiblesse, de dépendance qui les diminuent.
Nourrir sa « force » de la faiblesse, de l’incomplétude, de la carence des autres, est-ce authentiquement nourrir sa force ? N’est-ce pas, plutôt, s’appuyer sur une « béquille » qui n’est, à tout prendre, qu’un faux semblant ?
Oublier ses propres manques – ce qui équivaut à se rassurer – en recherchant la compagnie d’un « plus petit que soi », parfois en le prenant en charge, n’est-ce pas là une tentation facile et vieille comme l’être humain même ?





Le Français avait son « petit individualisme » bien à lui…un individualisme bien plan-plan de petit propriétaire sans grande ambition (« Français moyen »), chapeauté par les « notables », garanti par les solides rouages de l’Etat-providence.
Mais, dans le courant des trente dernières décennies, l’ " influence américaine "  et la « tyrannie du marché » sont venues sérieusement ébranler l’équilibre que portait en lui ce modèle. Tandis que l’Etat-providence entrait en recul, puis en crise, tutelles et hiérarchisations se trouvaient également, de manière croissante, remises en cause (le « privé » devenant « politique »), cependant que, peu à peu, émergeait un individualisme nouveau, centré sur la subjectivité narcissique, l’hédonisme et la compétition qui, d’un certain point de vue, délitait le lien social et brouillait les points de repères.
Le « chacun pour soi », cela pouvait aller, et cela allait très bien, tant que le protecteur étatique remplissait son office. Mais, lorsque celui-ci tend à fondre comme les glaciers de l’Arctique, qu’en résulte-t-il ? Il laisse les gens seuls avec leur habitude de  ne pas trop « se prendre en main », leur manque d’ « autonomie » (au sens américain du terme) et leur défaut de solidarité ; autant dire qu'il laisse un grand vide. Ne peut alors s’y installer qu’une sensation, plus ou moins diffuse, d’abandon, de « précarité », voire de non-sens grandissant, qui, à terme, à force de ronger insidieusement le corps social, peut parfaitement faire le lit d’une résurgence subite et brutale du « besoin d’ordre », du réflexe conservateur d’ordre régressif ainsi que de la xénophobie radicale. La peur, et le rejet de tout ce qui est extérieur, perçu comme une menace…la panique sourde, provoquée par un environnement en pleine mutation. N’est-ce pas ce à quoi, en France, nous sommes en ce moment même en train d’assister ?





Les hommes s’attendent toujours plus ou moins à ce que les femmes soient réservées, timides, discrètes, plutôt falotes…et impressionnées par eux !





Le problème est que, dans la vie, nous avons la plupart du temps un mal fou à démêler les bons aspects des choses et leurs côtés moins bons.
Nous aimerions à toute force, simplifier, généraliser, clarifier, réduire toute cette embarrassante ambiguïté au silence, mais rien à faire, elle résiste monstrueusement à notre binarisme, à notre manichéisme et à notre difficulté à « penser le complexe ». La réalité, et jusqu’à nous-mêmes, êtres humains, ne sommes pas plus « tout blancs » que nous ne sommes « tout noirs ». Chaque réalité peut être simultanément ou tour à tour bénéfique ou moins bénéfique, pullulante d’effets pervers. Chaque phénomène est susceptible d’avoir tout aussi bien des effets néfastes, que l’on souhaite, à raison, éviter soigneusement, que des effets hautement désirables de notre point de vue. Le mauvais accompagne toujours, en quelque proportion, le bon. L’ivraie voyage en permanence en la compagnie du bon grain, et les séparer n’est, on le sait déjà, pas une mince affaire. Alors pourquoi s’étonne-t-on toujours autant de la présence du mal, de son éternel retour ?
Le monde, tout bien pesé, n’est rien d’autre qu’une sorte d’étrange bloc,  de masse hétérogène  (du moins à notre sens, selon notre perception) où tout ce qui nous est plaisir et tout ce qui nous est déplaisir s’obstinent à s’entrelacer et à s’entrecroiser de façon singulièrement étroite.





L’Homme, compliqué, changeant, volontiers contradictoire…et inventeur de la logique !















P. Laranco.


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