samedi 22 mars 2014

Un texte en prose de Patricia LARANCO, RUE FLUIDE.

La fluidité de la rue. Le percutement du soleil pâle. L'ensemble des choses, emporté dans le verre et dans le ruban de lumière, forme un fleuve vitreux, voire un miroitement de queue de comète.
Mon dieu, pourquoi les carrefours palpitent-ils de cette façon ?
Pourquoi génèrent-ils ces bouffées d'émotion qui vous sautent à la gorge, vous étranglent ?
La rue, pur mouvement, aussi ondulante qu'un dragon qui fume. Ponctuée par les vastes coups de cymbales de la lumière qui frappe. Hémorragie de verre et de lumière, qui me fait froid au cœur.
Dilution des choses. Qui s'en vient ricocher sur la lumière. Qui accentue l'incertitude, l'incomplétude de l'instant-béance.
Hennissement acide et poussiéreux que pousse le soleil éclatant mais écartelé quand il choit, juste après avoir franchi le lourd tamis des nuages qui ombrent. Ocellent.
Des milliers de palimpsestes fourmillent à chaque carrefour-croix. A chaque engouffrement, à chaque ruée dans la perspective, qui décolorise, qui éparpille.
La rue est - et reste - une suite fractale de dilatation, d'estuaires qui s'enflent, s'enfilent. Elle épouse le corps monstrueux et déformé, convexe de l'air.
De chaque côté , elle est aussi claire, neuve que le vent; surface moirée, presque lisse. Ondoiement de lumière faiblarde, aqueuse et creuse, qui transporte et qui liquéfie. Qui, tout du long, tremble et s'agite, tel un gigantesque oriflamme.
Depuis longtemps, les détails qu'elle a à offrir se sont fondus. Se sont évaporés au contact de l'air, cette gomme fulgurante.


Patricia Laranco.

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