dimanche 19 janvier 2014

Lecture (sociologie, psychologie) : Mireille GIRAUD : " ÊTRE ET VIVRE SEULE : LE HARCÈLEMENT QUOTIDIEN ", collection " Questions contemporaines ", éditions L'Harmattan, 2012.


De nouvelles "sorcières", en France, au début du XXIe siècle ?...

Avec l'augmentation faramineuse du nombre  de femmes vivant seules dans les pays riches, industrialisés et dotés d'une haute technologie, il semblerait que l'on assiste à une sorte de réapparition - en version, bien sûr, plus "soft" - du "syndrome de la sorcière", lui pourtant vieux comme l'humanité. Avec une fréquence si étonnante qu'on n'y fait même pas attention (ni du côté des sociologues, ni du côté des psychologues, du moins à ce jour), des "femmes seules", par choix ou par pur hasard , se trouvent en butte au harcèlement de leur voisinage et à la "rumeur", qui les désigne - qui à l'échelle d'un quartier, qui à l'échelle d'une "cité", qui à l'échelle d'un village- comme de "vieilles folles" uniquement dignes de rejet et de mépris, et donc, pour le défoulement, cibles idéales. Ces personnes, pourtant à l’air tout ce qu'il y a d'ordinaire de "madame Lambda", se trouvent, avec une spontanéité et une brutalité parfois foudroyantes, traitées en "boucs émissaires" voire (si l'on tient compte des conséquences que peuvent avoir ces harcèlements : stress continu, effondrement dépressif, apparition de maladies psychosomatiques, hospitalisations plus ou moins longues en HP, troubles du comportement et parfois même, en fin de course, suicide) en "victimes sacrificielles".
Pourquoi ?
La réponse tient en quelques mots simples : méchanceté, frustration, lâcheté, schémas de l'inconscient collectif qui idéalisent le couple et la famille traditionnelle, misogynie qui imprègne toutes les cultures de ce monde.
La non-conformité sociale (même minime), la fragilité et, d'une manière encore plus générale, tout ce qui rappelle de près ou de loin l'échec, le déclin, la difficulté d'être, la souffrance font encore très peur. Et ce, maintenant, d'autant plus que jamais la société occidentale (et en particulier française) n'a été plus adepte de l'individualisme à tout crin et de l'hédonisme érigé comme "droit".
Alors, on s’acharne sur les "loosers" - ou du moins ceux qu'on juge tels.
Beaucoup de femmes françaises, à ce que fait ressortir cet ouvrage, le clament : il faut avoir les nerfs solides, pour assumer la "solitude". Quant il ne faut pas, carrément, acquérir l'âme d'une "guerrière".
Car les "pervers narcissiques", minables entre les minables, abondent, et ne sont jamais loin.
Même si l’on peut reprocher à ce court essai un certain stade d’incomplétude (les sempiternelles et incontournables  statistiques propres à toute recherche scientifique digne de ce nom y font défaut et tout repose, uniquement, sur des témoignages spontanés, plus ou moins glanés au hasard par notre auteure), il n’en a pas moins le mérite de pointer du doigt un authentique phénomène social, je le répète jusqu’alors passé totalement inaperçu (si ce n’est, peut-être – j’ose faire le lien – lors de la fameuse « grande canicule  »  qui, en 2003, ébranla tant la société française).
Il reste, sans doute, à attendre que les sociologues prennent le relais, et "étoffent" cette enquête, ainsi qu'elle mérite d'être "étoffée ". Un nouveau champ de recherches, ici, se dessine...


P. Laranco.



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