samedi 2 novembre 2013

Lecture : Umar TIMOL, « LE MONSTRE », L’Harmattan, 2013.


L’écrivain mauricien Umar TIMOL nous donne ici son deuxième roman. Un roman encore moins classique que l’était son Journal d’une Vieille folle.
Le Monstre, c’est 76 pages de monologue halluciné et fébrile qui nous conduisent dans un univers de science-fiction, de post-apocalypse. Répétitif, incantatoire, le verbe est  celui d’un long poème en prose par ailleurs riche de méditation d’ordre philosophique, existentiel. Au fil des pages, le héros, le fou s’englue dans un ressassement fiévreux de sa honte d’appartenir à une espèce folle. Il aspire à nier, à répudier toute parcelle d’humanité en lui. Car la nature humaine, qui a tout détruit, est fondamentalement destructrice. La logique de son destin ne peut la mener qu’à la folie, une folie annihilante mais en même temps raisonnante.
La folie est un huis-clos, en fait une sorte de huis-clos initiatique où, justement, l’être humain va jusqu’au bout de son essence monstrueuse.
Seul, terré, traumatisé, tourmenté par ses démons, divorcé des Hommes, le héros n’a plus qu’à s’abandonner au délire de son désespoir, de son colossal deuil. A l’envers du fameux conte de La Belle et la Bête, il cherche sciemment, au prix d’une sorte d’ascèse, une métamorphose qui le fera renouer avec ce qu’il y a de « bestial » en lui. Car depuis longtemps les chimères, les mensonges de l’humanisme n’ont plus de sens.
Plus encore que  le Journal d’une Vieille folle, le livre est terriblement sombre. Sa vision pessimiste est digne d’une certaine tradition anglo-saxonne.
L’humanité est-elle, sous sa forme actuelle, condamnée à s’autodétruire ?
Si elle veut survivre, n’aura-t-elle d’autre choix que celui de muter radicalement, de dépasser son stade actuel qui, après tout, n’est autre que celui d’un pauvre animal encombré d’une cerveau trop grand, trop compliqué pour lui, d’un être en somme trop composite pour ne pas représenter, in fine, un échec de l’évolution ?
Sais-tu l’enfer de la conscience […] ?, hurle le dernier Homme. Cri de Munch ?
L’aspiration à l’auto-dépassement, à la pureté de l’Homme est-elle de l’ordre de la démence ?
Les paradoxes, les tensions entre des pôles contraires qui l’habitent sont-ils tenables ?
Voilà quelles sont les questions, très contemporaines, auxquelles nous renvoie ce roman qui, par ailleurs, n’est pas sans refléter aussi fortement les préoccupations qui sont celles de l’individu, du poète et de l’écrivain spiritualiste Umar Timol : l’âme est-elle un fardeau pour l’être de chair, la bête que nous sommes encore, ou bien est-ce le corps - boue, vecteur d’animalité pesante – qui doit disparaître, s’autodétruire ? Notre aspiration à l’immatériel, à l’élévation de l’âme, de l’être est-elle fondée ?
Pourquoi sommes-nous portés à chercher ce que Timol évoque si souvent dans son œuvre : la lumière, symbole éthéré de libération, d’allègement et d’Absolu ?


P. Laranco.


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